dimanche 8 mai 2011

Shirley Christensen fière et soulagée

Le samedi 7 mai 2011

Marc-André Gagnon
29/10/2010 22h24 
« C’est incroyable le sentiment de fierté et de victoire que je peux ressentir, non seulement pour moi, mais pour plein d’autres victimes d’agressions sexuelles au Québec. »
Par ces mots, Shirley Christensen, qui a été abusée par un prêtre, il y a trente ans, a réagi à la décision rendue par la Cour suprême du Canada, hier. Ayant maintenant 37 ans, celle qui a été abusée par un prêtre alors qu’elle n’avait qu’entre six et huit ans espère qu’une telle décision encouragera les victimes d’abus sexuels à dénoncer et à poursuivre leurs agresseurs en justice.
« Si ça peut les encourager, bien au moins, j’aurai servi à ça aujourd’hui », a-t-elle soupiré.
« J’ai essayé le plus longtemps possible de refouler ça, d’envoyer ça derrière moi, parce que c’est tellement souffrant d’avoir à se rappeler que ça nous est arrivé. On porte la honte sur nos épaules et c’est pendant des années qu’on vit ça. Il arrive un moment donné où ça nous saute en pleine face, on n’a pas le choix d’y faire face », a raconté Mme Christensen.
« La loi devrait changer »
Mais son combat pour obtenir réparation face aux difficultés qu’elle éprouve depuis les abus ne s’arrête pas là. Shirley Christensen souhaite voir les fameux délais de prescription unique au Québec être éliminés. Sans une telle mesure législative, l’intervention de la Cour suprême du Canada n’aurait pas été nécessaire, puisque sa cause aurait pu être entendue.
« La loi devrait changer, la prescription ne devrait pas exister pour des victimes d’agressions sexuelles surtout lorsque ça arrive quand la victime est un enfant, croit Mme Christensen. J’ose espérer que le ministre de la Justice, M. Jean-Marc Fournier, fera quelque chose pour faire abolir ce délai-là », a-t-elle souligné.
Retour à la case départ
Shirley Christensen peut se réjouir, mais pour Daniel Gardner, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, tout n’est pas encore gagné. « Elle retourne à la case départ », résume M. Gardner.
« Ce qu’on dit simplement à la Cour supérieure, c’est laissez-là présenter sa preuve. Laissez-là expliquer, avec des témoignages, pourquoi elle n’a pas pu agir avant, ni elle ni ses parents », illustre le spécialiste du droit. Jusque-là, « tout s’était fait sur dossier, rappelle-t-il. Il n’y avait pas eu de plaidoirie, pas d’interrogatoire, il n’y avait rien eu Sur le dossier, le juge avait dit : il est trop tard. »
Source : http://lejournaldequebec.canoe.ca/actualites/faitsdiversetjudiciaires/archives/2010/10/20101029-222445.html

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Le samedi 7 mai 2011
Agressée sexuellement par un prêtre
Shirley Christensen poursuit son combat

Kathleen Frenette
24/01/2011 12h05 

© Stevens LeBlanc

Tendre la main et tirer un trait sur le passé, voilà ce que Shirley Christensen, victime d’un prêtre pédophile il y a une trentaine d’années, espère pouvoir faire à la suite de sa rencontre d’hier avec deux délégués de l’archidiocèse de Québec.
C’est une femme au visage fatigué qui s’est présentée au sortir de la rencontre qui a duré un peu plus d’une heure.
Lasse des démarches judiciaires qui traînent depuis trop longtemps, la femme, qui dit s’être fait voler son enfance, veut aujourd’hui réparation.
« Je suis épuisée physiquement et moralement... Je suis en arrêt de travail, parce que présentement, je suis en dépression. J’espère de tout cœur que nous pourrons avoir une entente à l’amiable pour mettre fin à cette saga », a dit la femme, visiblement épuisée par toutes ses démarches qui la rongent un peu plus chaque jour.
Advenant le cas où le diocèse aurait l’oreille attentive, une séance de médiation pourrait donc avoir lieu entre eux.
« Si une indemnisation m’était versée, je pourrais assumer les coûts de mes thérapies et de ma médication. Mon enfance, on l’a volée et elle ne reviendra jamais plus », a ajouté Mme Christensen, qui ne sait plus trop si elle doit conserver de l’espoir face à cette démarche.
Deuxième injustice
« Historiquement, il y a eu beaucoup plus de compassion pour les agresseurs que pour les victimes de prêtres pédophiles. Malheu­reusement, ça prend des années pour en venir à une conclusion et ça, c’est une deuxième injustice pour ces victimes », a aussi commenté Carlo Tarini, directeur de l’Association des victimes de prêtres.
Sans obtenir de date, les deux délégués du diocèse ont assuré à la victime qu’ils porteraient ses doléances rapidement devant les personnes en autorité et qu’elle devrait recevoir de leurs nouvelles bientôt.
« Si jamais la réponse est négative, je ne sais pas encore ce que je ferai. On verra quand je sera rendue là », a-t-elle dit avant de quitter le diocèse.
Rappelons que Shirley Christensen a mené un très long combat devant les tribunaux pour obtenir un dédommagement pour les agressions sexuelles répétées dont elle a été victime malgré le délai de prescription. La Cour supérieure lui a finalement donné raison en novembre dernier.

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samedi 30 octobre 2010 à 16H57

Prêtre pédophile: la Cour suprême donne raison à Shirley Christensen

Shirley Christensen a obtenu vendredi l'autorisation de la Cour suprême de poursuivre au civil le prêtre qui l'a agressée sexuellement lorsqu'elle était enfant.

Cette résidante de Québec, âgée de 37 ans, a décidé de poursuivre le prêtre en dommages et intérêts pour 250 000 dollars. La victime a déposé une requête en juin 2007.
Paul-Henri Lachance a été condamné à 18 mois de prison, l'année dernière.
Les tribunaux avaient refusé d'entendre la cause de Mme Christensen parce que le délai de prescription de trois ans est échu. Les faits se sont déroulés au début des années 1980.

Vendredi, la Cour suprême du Canada a renvoyé le dossier de Mme Christensen devant la Cour supérieure du Québec. La jeune femme pourra poursuivre son ancien agresseur.

Plusieurs médias rapportent que le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, n'est pas contre l'idée de modifier le Code civil concernant le délai de prescription dans les affaires d'agression sexuelle.


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Shirley Christensen pourra poursuivre le curé qui l’a agressée

OTTAWA — La Cour suprême du Canada permet finalement à Shirley Christensen de poursuivre le curé qui l’a agressée alors qu’elle était enfant, après une éprouvante bataille juridique.

Dans son jugement rendu public vendredi, le plus haut tribunal du pays a renversé les décisions des tribunaux inférieurs du Québec.

Sur une simple requête sans tenir de procès, les juges des tribunaux inférieurs n’avaient pas permis à Mme Christensen — 25 ans plus tard — de réclamer 250 000 $ à son agresseur, jugeant qu’elle avait trop tardé à intenter son action.

Par son jugement qui tient en trois paragraphes, la Cour suprême renvoie en Cour supérieure du Québec le débat sur le délai de prescriptions. C’est le juge qui devra trancher après un procès complet.

Mme Christensen a été agressée sexuellement par le curé Paul-Henri Lachance à la fin des années 1970, à Québec, alors qu’elle était âgée de six à huit ans.

Confiant le tout à ses parents, ceux-ci n’ont pas agi. L’Archevêché de Québec leur avait indiqué de ne pas ébruiter l’affaire. Très croyants, les parents avaient obtempéré.

À l’été 2006, en donnant le bain à l’enfant de son conjoint, Mme Christensen s’est remémorée les agressions dont elle a été victime et a réalisé l’ampleur de son traumatisme.

Poursuivant le curé et l’Archevêque catholique romain de Québec, elle s’est fait opposer que sa poursuite n’était pas recevable, parce qu’intentée trop tard selon la loi. À cette époque, il fallait qu’une action soit entreprise au plus tard deux ans après le tort causé.

La femme de 37 ans a soutenu qu’avant 2006, elle était dans l’incapacité d’agir, et surtout, incapable d’entamer des procédures. Elle affirme n’avoir fait le lien entre ses troubles psychologiques et les actes du curé qu’en 2006.

L’Église a alors répliqué que ses parents étaient au courant et qu’ils auraient pu poursuivre en son nom mais ont plutôt choisi de rien faire. Elle n’aurait qu’à poursuivre ses parents pour avoir été de mauvais tuteurs, ajoute-elle.

Ne retenant pas les arguments de Mme Christensen, la Cour supérieure a rejeté son action et la Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Devant la Cour suprême, elle a contesté la disposition du Code civil du Québec qui prévoit un délai strict pour intenter une action et a demandé que la Cour la rende inapplicable dans les cas d’agression sexuelle.

Paul-Henri Lachance a été condamné à 18 mois de prison en 2009.


L’exception québécoise

La Presse - 2010.10.12
Par Yves Boisvert

C’était 25 ans plus tard. Shirley C. donnait le bain à la fille de son conjoint. En voyant cette enfant de 6 ans nue, elle a eu un flash-back. Elle s’est revue, au même âge, entre les mains du curé Paul-Henri Lachance.
Il est plus difficile pour une victime d’obtenir une compensation devant les tribunaux québécois qu’ailleurs au Canada. Mais la Cour suprême pourrait changer ça.
De l’âge de 6 à 8 ans, entre 1979 et 1981, Shirley voit régulièrement le prêtre de Québec, à qui elle se confie. Il en profite pour lui toucher les jambes, les fesses, la vulve. À la maison, l’enfant pique des crises incompréhensibles mais elle ne parle pas des attouchements du prêtre, qu’elle continue à aller voir.
En 1981, le curé lui met un doigt dans le vagin. Shirley a 8 ans. Cette fois, elle court le dénoncer. Les parents se rendent au presbytère. Lachance n’y est pas. On leur suggère d’aller à l’archevêché. Là, on leur dit de ne pas ébruiter l’affaire, qu’on s’occupera du prêtre.
Le prêtre est expulsé de la paroisse… et réaffecté à une autre paroisse de Québec.
Shirley et ses parents ne l’ont jamais dénoncé.
Dénonciation et prison
En 2006, donc, en donnant le bain à cette fillette, Shirley s’est revue en ce jour de 1981. Elle a décidé de porter plainte à la police. Le prêtre s’est avoué coupable. Il a été condamné en 2009 à 18 mois de prison ferme.
Parallèlement, Shirley C. a intenté une poursuite de 250 000$ contre l’archevêché de Québec et Lachance, maintenant âgé de 79 ans.
En 2008, le juge Yves Alain, de la Cour supérieure, a rejeté sa poursuite au motif qu’elle était «irrecevable» parce que trop tardive. Les faits remontent en effet à presque 30 ans. L’affaire est «prescrite», a conclu le juge.
Il n’y a pas de limite de temps pour poursuivre un délinquant devant la cour criminelle. Mais pour obtenir une compensation pécuniaire devant une cour civile, on doit respecter un délai maximum au-delà duquel le droit s’éteint : c’est la prescription.
Cette règle vise la stabilité juridique et la « tranquillité d’esprit ». On ne veut pas que toutes les transactions puissent être remises en question des années après le fait, quand les témoins sont défaillants ou disparus.
Sauf que, en matière d’agression sexuelle contre des enfants, l’application stricte de cette règle, a déjà dit la Cour suprême, peut avoir pour effet net de protéger les pédophiles des recours civils.
Les victimes sont souvent dans une incapacité psychologique de dénoncer leur agresseur, en particulier si ce dernier est en situation d’autorité. La Cour suprême a donc remis en question la règle traditionnelle en 1992 dans une affaire d’inceste. Il serait inéquitable, avait dit la Cour, de permettre aux agresseurs d’échapper à toute responsabilité alors que les victimes continuent de subir les conséquences de ces crimes.
Ce jugement a donc opéré une sorte de renversement du fardeau de la victime à l’agresseur.
Dans la plupart des provinces canadiennes, on a d’ailleurs reconnu le problème particulier des victimes mineures et voté des lois qui annulent pratiquement la prescription en pareils cas.
D’un océan à l’autre… ou presque
Au Québec, il semble que le mouvement n’ait pas été suivi de manière ordonnée par les tribunaux. La loi est demeurée intacte.
Le Code civil prévoit toujours une prescription de deux ans en cas de « délit », quelle qu’en soit la nature. Le délai ne court pas, cependant, si la personne est dans l’impossibilité d’agir.
Le rejet de la poursuite de Shirley C. n’est donc pas si surprenant. Aux yeux du juge Yves Alain, elle n’était absolument pas dans l’impossibilité d’agir.
D’abord, dit-il, elle n’était pas «sous l’emprise psychique de son agresseur». Et puis, si elle était dans l’impossibilité psychologique de poursuivre avant d’entreprendre une thérapie à l’âge adulte, son père, lui, en tant que tuteur, aurait fort bien pu le faire au début des années 80, a estimé le juge Alain.
En effet, le père était au courant de l’agression mais n’a rien fait. Tant pis !
La Cour d’appel, l’an dernier, a maintenu l’essentiel de ce raisonnement : il faut que le tuteur de l’enfant ait été lui aussi dans l’impossibilité «absolue» d’agir au nom de l’enfant. Certes, les parents ne voulaient pas remettre en question l’autorité de l’Église, reconnaît la Cour d’appel. Mais ils étaient au courant de l’agression. Ils ont choisi de ne pas poursuivre «pour des raisons qui sont les leurs».
Voilà une approche conservatrice qui revient à dire aux enfants de mieux choisir leurs parents… Ah, notez bien, une fois adulte, il est possible de poursuivre ses parents s’ils ont mal exercé leur tutorat !
Dissidence
Le jugement de la Cour d’appel comporte toutefois une dissidence, celle du juge Jacques Chamberland. Il est loin d’être certain que le père ait fait le lien entre les problèmes de sa fille et l’agression du prêtre, observe-t-il. Pour le père, Shirley était « attaquée des nerfs», allez savoir pourquoi.
Or, il ne suffit pas de savoir qu’il y a eu agression sexuelle. Encore faut-il prendre conscience du lien entre l’agression et ses séquelles. Chez les victimes d’inceste, cela peut prendre des années à se cristalliser, comme nous l’enseigne la psychologie depuis fort longtemps.
C’est précisément ce que Shirley C. a déclaré: ce n’est qu’en 2006 que tout est devenu clair pour elle.
La prudence commande au moins qu’elle puisse présenter sa cause, qui ne devrait pas être rejetée de manière mécanique, écrit le juge Chamberland.
Un impact majeur
La Cour suprême a décidé d’entendre la cause de Shirley C., qui sera plaidée MERCREDI(notre correction texte original dit jeudi). Le jugement aura un fort impact sur une série d’affaires qui sont actuellement devant les tribunaux et sur de futurs dossiers.
On pense notamment au recours collectif des victimes de certains frères du collège Notre-Dame de Montréal, où l’on a réussi à étouffer de nombreuses affaires d’agression pendant des décennies. La Cour supérieure entendra la demande d’autorisation du recours à compter du 13 décembre, et la prescription est au coeur du débat.
«Je ne me souviens pas de dossiers où les faits étaient niés; c’est presque toujours un débat au sujet de la prescription », dit Alain Arsenault, l’un des avocats de Shirley C., qui a occupé dans plusieurs dossiers contre des communautés religieuses.
À ce jour, certains jugements québécois font montre de souplesse en la matière. Mais l’approche conservatrice est encore dominante, comme en fait foi le jugement de la Cour d’appel.
Dans le reste du Canada, les mineurs victimes d’agression sexuelle sont présumés être dans l’incapacité de poursuivre.
Le Québec catholique reste donc actuellement une société distincte en ce qui a trait à la compensation des agressions sexuelles.
Source : http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/yves-boisvert/201010/11/01-4331523-agressions-sexuelles-lexception-quebecoise.php

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