Le jeudi 7 juillet 2011
Une agression sexuelle, selon la Cour suprême
Dominique La Haye
27/05/2011 10h08
La Cour suprême du Canada a déterminé qu'il est illégal pour deux adultes d'avoir des relations sexuelles lorsque l'un des partenaires est inconscient - comme ce peut être le cas dans certaines pratiques telle que l'asphyxie érotique - et ce, même si un consentement avait au préalable été donné.
Selon le plus haut tribunal du pays, avoir des contacts sexuels avec une personne inconsciente qui y avait consenti au moment où elle était lucide est considéré comme une agression sexuelle.
La Cour suprême a tranché en ce sens vendredi matin dans un jugement partagé de six magistrats contre trois.
La décision de la Cour n'a pas pour effet de rendre illégales des pratiques sexuelles telle que l'asphyxie érotique, mais détermine que les contacts sexuels doivent prendre fin immédiatement si l'un des partenaires perd conscience.
Le jugement du tribunal s'applique aussi dans le cas d'une soirée bien arrosée, par exemple, où l'un des partenaires perd conscience après avoir d'abord accepté de s'adonner à des contacts sexuels. Au sens de la loi, le partenaire lucide se trouve à commettre une agression sexuelle s'il ne met alors pas fin à ses activités.
La décision du tribunal est liée au cas d'un couple d'Ottawa où, lors d’un rapport sexuel en 2007, la femme a été volontairement étouffée par l’homme, au point de lui faire perdre conscience. Malgré son état d’inconscience, l’homme a ensuite pénétré l’anus de la femme avec un jouet sexuel.
La femme, identifiée seulement par les lettres K.D, a communiqué avec la police six semaines plus tard après une chicane avec son partenaire, connu sous les initiales de J.D, qu’elle a accusé d’agression sexuelle. Elle s’est ensuite rétractée, disant qu’elle avait été consentante, mais le juge de première instance n’a pas retenu le changement de sa version des faits.
J.D a alors été reconnu coupable d'agression sexuelle et de bris de probation. Il avait déjà été condamné pour avoir agressé la même femme. Les condamnations ont plus tard été renversées en appel.
La Cour suprême a été saisie de l’affaire et a ainsi déterminé, vendredi, qu'une personne doit pouvoir "révoquer son consentement" à une activité sexuelle "en tout temps", ce qu'elle ne peut faire si elle est rendue inconsciente.
Par ailleurs, selon le tribunal, dans le contexte d'une agression sexuelle, le consentement s'entend comme "l'accord volontaire du plaignant à l'activité sexuelle". Cette définition indique que "le plaignant doit consentir spécifiquement à chacun des actes sexuels" et réfute ainsi la notion d'un "consentement général donné à l'avance".
Le tribunal est ainsi d'avis qu'une personne ne peut consentir à l'avance à des actes sexuels qui auront lieu pendant qu'elle sera inconsciente, car cette notion ne "s'harmonise pas" avec les dispositions du Code criminel.
"Il est de jurisprudence constante que le consentement est formé par une personne consciente, lucide, capable d'accorder, de révoquer ou de refuser son consentement à chaque acte sexuel", souligne le tribunal.
Les trois juges dissidents de la Cour suprême, Ian Binnie, Louis LeBel et Morris Fish, craignaient pour leur part que l'approche préconisée par leurs collègues majoritaires ait pour effet de criminaliser un ensemble de comportements que le Parlement ne souhaitait pas englober dans sa définition d'agression sexuelle. Ils donnent en exemple la demande expresse du genre "embrasse-moi avant d'aller travailler", où dans un couple l'un des partenaires dormirait au moment des actes.
Ce point est toutefois minimisé par le groupe majoritaire des six juges qui se rangent derrière les arguments de la Couronne. Celle-ci évoquait un principe de droit selon lequel "la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance". Dans ce contexte la Cour ne pourrait sanctionner les "attouchements sexuels légers commis sur une personne inconsciente".
La Cour suprême souligne en outre que, si nécessaire, il appartiendrait au législateur de modifier les règles du consentement en matière d'agression sexuelle. Toutefois, selon le tribunal, la conception du consentement a "produit des résultats équitables dans la grande majorité des cas" et s'est avérée "fort utile pour combattre les stéréotypes historiques qui entourent le consentement aux relations sexuelles".
Source : http://lejournaldequebec.canoe.ca/actualites/faitsdiversetjudiciaires/archives/2011/05/20110527-100813.html
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