samedi 30 juillet 2011

Entre notre peau et nous, la relation est compliquée. Parfois, on cohabite dans l'harmonie; souvent, on s'accommode l'une de l'autre comme des colocs de fortune. Catherine Pogonat raconte.

Par Catherine Pogonat (www.ellequebec.com)

Chronique de Catherine Pogonat: Ceci est mon corps
 Un jour, j'ai reçu un message qui m'a jetée à terre. Une téléspectatrice, dans la quarantaine, m'écrivait pour me dire merci. Merci de l'avoir aidée à aimer ses seins. J'étais saisie. Comment avais-je bien pu avoir un tel impact? J'ai appris qu'elle avait caché sa petite poitrine toute sa vie. Sous des chandails amples, derrière des soutiens-gorge rembourrés. Et qu'en me voyant au petit écran, portant sans complexe des hauts moulants, elle a eu envie d'arrêter de se cacher. D'assumer enfin sa silhouette, à 40 ans passés. Wow.
Il m'en a pourtant fallu, des années, avant d'aimer ce que la nature m'avait donné! Ado, je me trouvais trop grande, trop maigre, les bras trop longs, les seins trop petits, le visage trop étroit. Je me suis rêvée plantureuse, blonde, avec des hanches à la Marilyn. Mais bon. Je suis brune et filiforme, plus Birkin que Bardot. Mon métier et le regard de la caméra m'ont obligée à embrasser mes forces et à trouver la beauté de mes défauts. J'ai cherché la poésie de mon corps. J'en ai fait une signature, un mode d'expression, plutôt qu'un obstacle.
Et un jour, j'ai posé nue. Pour que mon corps, avec ses «bogues» et ses imperfections, devienne une oeuvre d'art. Pour qu'il soit l'espace d'un instant un sujet, une réflexion, pour qu'il devienne plus grand que moi. J'avais envie de la simplicité de l'art du nu, à une époque où le corps des femmes est presque toujours représenté comme un objet sexuel. Envie de comprendre pourquoi, en Amérique du Nord, on est plus choqués par une fille à poil que par une scène porno. Je l'ai fait pour l'expérience, la postérité, l'aventure. Pour un ami photographe qui a un regard très sensible sur la nudité. Pourtant, je suis pudique. Je me change dans les toilettes quand je vais au gym et je porte un maillot dans les saunas publics! Mais notre corps est notre tout premier matériau. Et s'en servir pour faire du beau, pour créer, peut être très libérateur. Croyez-moi!
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Oeuvres charnelles
  • J'ai été troublée par l'oeuvre-choc du photographe Evergon, qui présente le corps humain dans ce qu'il a de plus beau comme de plus laid. Bouleversant.
  • En danse, j'aime particulièrement le chorégraphe Dave St-Pierre, qui met à nu des gros, des petits, des musclés, des mous, pour nous montrer qu'au fond, y a rien là! Poétique.
  • Je me replonge dans les livres de Nelly Arcan, qui a fait de la beauté le sujet principal de ses romans. Sa souffrance est évidente quand elle évoque la «burqa de chair» et le «corps prison». Dur.
  • J'adore le travail d'Emilie Roby, une véritable artiste visuelle qui fait des tatouages uniques d'une grande beauté. Et je suis perplexe devant celui de la célèbre ORLAN, qui utilise notamment la chirurgie esthétique et les implants pour faire de sa propre chair sa plus grande oeuvre. Dérangeant.

DATE DE PUBLICATION: 2011-07-14 , Tiré du magazine ELLE Québec, juin 2011
Source : http://styledevie.sympatico.ca/bien_etre/chronique_de_catherine_pogonat_ceci_est_mon_corps_/0b69461c

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